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Mariama Bâ
Grand classique et œuvre incontournable dans la littérature africaine
contemporaine, Une si longue lettre, roman épistolaire de l’auteur
sénégalais Mariama Bâ, a été publié pour la première fois en 1979. De
renommée internationale, car traduit par la suite en vingt langues
différentes, la présente œuvre demeure incontestablement aujourd’hui
une référence en matière de culture négro-africaine. En outre, Mariama
Bâ fut la première romancière africaine à avoir osé lever le voile sur
certaines réalités sociales propres au continent africain en général et
à son pays en particulier, le Sénégal. Cet engagement, signe
d’hardiesse et de témérité, lui vaudront tous les honneurs tant la
portée de son geste, survenu dans un contexte où la liberté de pensée
et d’expression en ce qui concerne les femmes n’étaient pas forcément
les maîtres mots, fut grande et éloquente.
Une femme du Sénégal, Ramatoulaye, adresse à sa meilleure amie une longue lettre pendant la réclusion traditionnelle qui suit son veuvage. Elle y évoque leurs souvenirs heureux d'étudiantes impatientes de changer le monde, et cet espoir suscité par les Indépendances. Mais elle rappelle aussi les regards forcés, l'absence des droits des femmes. Tandis que sa belle-famille vient prestement reprendre les affaires du défunt, Ramatoulaye évoque alors la douleur, le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune, ruinant vingt-cinq années de vie commune et d'amour.
Mariama Bâ est la première romancière africaine à décrire avec une telle lumière la place faite aux femmes dans sa société. Une si longue lettre est une œuvre majeure, pour ce qu'elle dit de la condition des femmes.
Ramatoulaye met à profit les 40 jours de deuil que lui impose la tradition pour faire le point sur sa vie et pour réfléchir aux problèmes auxquels la société qui l'entoure doit faire face : polygamie, castes, exploitation de la femme. À travers le quotidien qu'elle nous conte, c'est toute l'existence des femmes africaines qui se trouve dévoilée. Leurs douleurs, leurs obligations sociales, familiales et religieuses qu'elles subissent et supportent dramatiquement. La détresse, qu'engendre le partage imposé par la polygamie, est au cœur du livre. Mais elle sert de passerelle à des confidences essentielles sur l'éducation sexuelle des filles, l'affirmation de la valeur de leur corps, leurs droits ou plutôt l'absence de droits et la place des femmes en politique.
Au-delà des souvenirs évoqués, c'est un tableau vivant et terriblement juste de la femme africaine qui se dessine entre les lignes. L'auteur insiste sur le rôle multidimensionnel de la femme au foyer, sa difficile confrontation aux rites ancestraux. Mariama Bâ ose aborder des sujets tabous en parlant du système des castes au Sénégal, de la remise en question de la cellule familiale par les jeunes générations. Un militantisme féministe lucide. Une leçon de courage d'une femme digne. Une plume enchanteresse, poétique et colorée : « Sur le sable fin, rincé par la vague et gorgé d'eau, des pirogues, peintes naïvement, attendaient leur tour d'être lancées sur les eaux. Dans leurs coques, luisaient de petites flaques bleues pleines de ciel et de soleil. » Une voix, des voix. Un livre à lire et à faire lire, les yeux grands ouverts.